La chasse aux virus, par Frédéric Keck.
Coronavirus,
 Covid-19, SARS-Cov-2… Autant de petits noms pour le phénomène marquant de
 cette année 2020 : une pandémie historique. Partie de Wuhan en Chine en
 décembre 2019, la Covid-19 se propage petit à petit et prend une ampleur
 internationale. Les pays, les gouvernants, les individus, tout le monde
 s’affaire pour trouver le remède, la solution qui permettra de la repousser ou
 au moins d’atténuer les dégâts humains, matériels, économiques et
 psychologiques. Mais qu’est-ce qu’une pandémie ? Cette dernière était-elle
 prévisible ? Comment y remédier ? D’autres pandémies de ce type sont-elles à
 prévoir ? L’anthropologue Frédéric Keck était l’invité le vendredi 6 novembre,
 au micro d’Adèle Van Reeth pour répondre à toutes ces questions.
Une pandémie, qu’est-ce que c’est ?
Pour Frédéric
 Keck, directeur de recherches au CNRS et chercheur en anthropologie sociale, «
 une pandémie c’est une épidémie qui se répand sur l’ensemble de la planète et affecte les conditions d’existence de
 l’humanité toute entière ». Au-delà de la maladie en tant que telle, il est
 intéressant pour l’anthropologue de s’intéresser aux modifications et
 bouleversements sociaux que cette dernière entraîne. En effet, le sens donné à
 une maladie dépend des modifications sociales qu’elle entraîne. Dans le cas de
 la Covid-19, et des pandémies plus largement, la panique se développe d’un
 côté, rapidement suivie par de nombreux mécanismes sanitaires pour endiguer la propagation.
Comment remédier à une pandémie de ce type ?
Plusieurs
 stratégies et réactions différentes existent dans ce cas de figure. Frédéric
 Keck en distingue trois : la prévention, la précaution, et la préparation.
La stratégie de
 prévention consiste à calculer les risques et coûts de transmission, et les
 communiquer à la population avec une transparence totale du gouvernement. C’est
 le discours libéral théorisé par Herbert Spencer au XIXe siècle et adopté par
 Boris Johnson et le Royaume-Uni face à la Covid-19. Elle valorise les
 politiques de l’abattage (ex: épidémie de la vache folle) contre les politiques
 de l’affecte.
La précaution
 émerge dans les années 1970 en Europe autour de la menace nucléaire, puis dans
 le débat des épidémies animales avec la vaccination (considérée comme trop
 coûteuse par la logique libérale) afin d’anticiper l’apparition de mauvaises
 rencontres avec les maladies. Théorisée par Emile Durkheim, c’est la stratégie
 adoptée par Emmanuel Macron et la France.
 
Enfin, la
 préparation consiste à maximiser les chances qu’un pathogène passe aux humains
 et imaginer le pire pour en limiter les conséquences. Théorisée dans les années
 1930 par Bergson, c’est la stratégie de Chen Chien-Jen et Taïwan.
La pandémie de
 Covid-19 est également un rappel des limites de la mondialisation et de
 l’interdépendance de nos sociétés. Dans ce contexte, les autorités se préparent
 depuis vingt ans aux pandémies, avec des recherches autour de la grippe.
Alors les pandémies sont-elles prévisibles et si oui comment ?
C’est
 l’objet de l’ouvrage Les Sentinelles des
 pandémies : Chasseurs de virus et observateurs d’oiseaux aux frontières de la
 Chine de Frédéric Keck. Pour lui, la frontière entre domestique et sauvage
 est floue aujourd’hui, il faut donc des sentinelles pour prévenir de pandémies
 à venir. Ainsi, les virologues s’allient aux protecteurs d’animaux sauvages
 notamment d’oiseaux et de chauve-souris (espèces modèles pour l’immunité) pour
 prévenir ce type de phénomène à l’avenir.
Car ce qui est
 important pour Frédérick Keck, est de ne pas séparer humain et animal. L’espèce
 animale doit être vue et étudiée car elle sert de lanceur d’alerte aux
 épidémies et est donc un allié pour prévenir et prémunir des prochaines crises
 sanitaires.

