thème Où va le travail ?
La pandémie, conjuguée avec les développements du capitalisme mondialisé, a mis à jour ou accentué à la fois :
- une crise multiforme de la relation au travail qui se manifeste par un refus des formes jugées aliénantes du travail mal rémunéré et exercé dans des conditions incompatibles avec la vie sociale, dès lors que le marché du travail offre d’autres opportunités,
- des interrogations sur le travail qui aurait perdu sa valeur d’insertion et d’émancipation, ce qui n’exclut pas la reconnaissance (momentanée) de la valeur des travailleurs de « première ligne «.
- un développement de nouvelles formes aliénantes et individualisées du travail, avec notamment le modèle ambigu de l’auto-entreprenariat, alors que la désindustrialisation en Europe occidentale défait les anciennes solidarités et organisations,
- une métamorphose du travail même qualifié sous l’injonction à la créativité et la mobilisation de la subjectivité du travailleur, au-delà de l’usage ou l’exploitation de sa force de travail.
Ces interrogations n’empêchent pas que les attentes à l’égard du travail soient toujours fortes, le salariat devenant un mode dominant en Europe occidentale marquée par les conséquences du chômage.
De quelle part d’humanité nous prive-t-on quand le travail manque ou quand il perd son sens ? Quelles sont les conséquences des nouvelles formes du travail pour les individus et la société ? Notre société peut-elle se dire démocratique sans accorder assez de place à la démocratie dans le travail ? Émancipation, intégration voire bonheur au travail sont-ils des privilèges réservés à certains ?
Invitée d'honneur L'Ukraine
Notre présent européen semble aujourd’hui passer par l’Ukraine. Sa résistance, son martyre, son courage face à l’agression dont elle est victime peuvent-ils être ignorés d’une manifestation comme la nôtre ? D’un autre côté, quelles ressources un festival de philosophie et de sciences humaines peut-il mobiliser pour penser et aider à penser une telle situation ? La pensée politique qui accompagne la guerre comme son ombre peut-elle se contenter de poser des questions ?
Avec une invitation lancée à l’Ukraine aujourd’hui, c’est donc principalement le thème de la guerre qui s’invite dans Citéphilo.
Il nous a semblé que la vérité de la situation en quoi consiste le présent de l’Ukraine se lit aujourd’hui dans l’implacable épreuve de la guerre, sa logique propre, ses racines, ses folies et ses raisons. Épreuve d’une violence qui interrompt la continuité des existences et qui contraint chacun à des choix ou des non-choix tous décisifs. À l’instant même où elle surgit, la guerre déchire le voile des illusions qui ont fait croire à une paix perpétuelle pour instaurer un ordre à l’égard duquel personne ne peut prendre de distance. Un ordre qui fait accomplir des actes qui finissent par détruire toute possibilité d’acte.
L’Ukraine, c’est un peuple et une société ayant hérité des leçons des dissidents tchèques, polonais et russes des périodes antérieures et qui les a converties dans les exigences démocratiques de la révolution Maïdan. Un peuple et une société qui ne manquent ni de penseurs, ni d‘artistes dont beaucoup ont fait le choix de l’engagement, parfois les armes à la main, pour un avenir conforme à leurs convictions. L’Ukraine, c’est encore, l’histoire d’une nation, née sur les ruines d’empires, découvrant peu à peu la vertu d’une langue et d’une culture propre, trop longtemps soumises à la domination, à l’effacement et au recouvrement. Une nation aspirant à participer au concert des nations et dont le désir d’unité et de solidarité se trouve renforcé par l’épreuve de la guerre.
Au cours, d’une série de rencontres réunissant chercheurs et auteurs ukrainiens et français, d’une sélection de films choisis pour être au plus près de l’esprit de la nation ukrainienne, d’une exposition de photographies de guerre et d’un concert exceptionnel de la chorale nationale Dumka, Citéphilo espère contribuer à éclairer les réalités et les enjeux d’une guerre dont il est désormais impossible de prétendre qu’elle ne nous concerne pas.